Nouvelle collègue

On a un nouveau membre dans mon équipe. La cinquantaine, intérimaire, n’a jamais fait d’informatique (elle ne sait pas ce que c’est qu’une adresse IP)… pas facile de la former pour devenir chef de projet dans les réseaux WAN. Perso, je prie pour qu’elle quitte ce job le plus vite possible, mais on va pas lui mettre de bâtons dans les roues. Les bonnes surprises, ça existe. Des gens qui d’un coup se mettent à travailler beaucoup pour x raison, et qui arrivent à passer outre le gap de leur ignorance pour réussir à faire un bon boulot. Ça arrive souvent au Japon. Je dois bien dire que beaucoup de Japonais sont très flexibles, genre ils commencent un boulot pour lequel ils n’ont aucune formation ou connaissance, et au bout de quelques années, ils font un bon boulot.

Ça commence dès la sortie de l’université. Seule une infime partie de mes collègues sort d’une université scientifique, et encore moins d’informatique; 10% peut-être? J’ai vu des experts Cisco qui quelques années auparavant sortaient d’une fac de littérature anglaise…

Après, il faut bien dire que les nouveaux diplômés Français ne savent rien faire de plus que les nouveaux diplômés Japonais. Ce n’est que mon expérience personnelle et c’est très empirique/subjectif, mais grosso-modo, par exemple dans une boite d’info, un diplômé d’informatique Français ne sera pas meilleur qu’un Japonais diplômé de civilisation espagnole. Oh, il donnera plus le change au début, ce sera plus facile de parler de trucs techniques avec le Français et il comprendra mieux nos blagues, mais après un ou deux ans, il n’y aura plus de différence (sauf au niveau des blagues, mais bon, les Japonais et l’humour Français, c’est comme le sucré-salé en cuisine). Le Japonais va s’adapter et bucher comme un fou pour rattraper son retard et aller plus loin la plupart du temps.

A 50 ans, beaucoup de Japonais sont toujours prêts à se réorienter et apprendre de nouveaux trucs. Le truc bien pour eux, c’est que beaucoup d’entreprises sont prêtes à leur donner leur chance. Et ça marche souvent bien…

(Ai-je besoin d’écrire que les contre-exemples de tout ce que je viens de raconter sont nombreux?)

N’empêche que ma collègue de 50 berges là, qui doit se coltiner sa formation? Moi et mes collègues. Et c’est du lourd. Encore, les trucs bien spécifiques à notre secteur, genre expliquer ce que font les cablo-opérateurs, le cablage des immeubles, les astuces et nuances des différents types de ligne et options de service, etc., ça va, c’est amusant et motivant même pour moi de l’expliquer.

De devoir expliquer que non, tout ne tourne pas tout seul et que chaque merde qui arrive dans le projet peut nous être reprochée à nous (et non pas au connard à l’autre bout de la planète qui a fait la boulette). Que oui, des merdes arrivent tous les jours, c’est un peu ça notre boulot: fossoyeur de merde, on gère les emmerdes quoi! Et il en arrivent de toutes sortes, des gens pas motivés en face, des trucs qu’on sait pas encore qui a merdé ni comment réparer, des systèmes qui délirent, des gens en vacances, des clients irrascibles qui n’ont pour but dans le vie que de rendre la nôtre misérable, etc. Un classsique dans ce secteur d’activités, c’est les telecoms quoi! Mais pour quelqu’un qui n’y a jamais travaillé, c’est comme si elle avait imaginé le pays des bisounours et qu’elle se retrouve avec une bande de hobbits au pays de Sauron.

Son premier projet, une implémentation d’un site à Singapour, deux routeurs, deux lignes. Le gars en charge de la commande des lignes au cablo-opérateur qui la contacte pour lui demander si les lignes sont en path-diversity, c’est à dire si le cablo opérateur doit utiliser deux lignes physiquement distinctes à partir du rack du client jusqu’au centre telecom (le but étant d’avoir le service continuer si il arrivait un accident à l’une des lignes). Après vérification sur le devis, oui, il faut du path-diversity. Alors elle lui a répondu que oui, le devis avait d’ailleurs été pris en ce sens.

Réponse du gars des commandes: ouais mais non, l’opérateur dit que c’est pas possible qu’il ait fait un devis pour ça à ce prix. Il demande aussi de vérifier que le commercial a bien pris un devis pour du path-diversity.

Alors là, perdue notre petite nouvelle:
Mais, je lui ai dit hier que j’avais regardé le devis…
Mais, pourquoi l’opérateur dirait qu’il n’a pas donné ce prix…
Mais, comment on va faire…

Réponse: j’en sais rien du tout, mais comme on peut pas parler avec l’opérateur en direct, contentes-toi de répondre à la question. “Oui, le devis est pour du path-diversity, en voici la preuve”. Et on va attendre la réponse. Si le gars des commandes et l’opérateur ne donnent aucune piste quant à ce qui a bien pu se passer, on contactera le gars qui a fait le devis pour le confirmer.

Alors c’est normal que notre petite nouvelle ne sache pas tout ça et on ne lui en veut pas, mais ça n’enlève rien au fait que ça soit ultra-gonflant pour nous. En fait, on perdrait moins de temps à faire tout le travail nous-mêmes, mais dans deux ans, si elle devient opérationelle, alors à ce moment on y gagnera beaucoup plus de temps que si on avait continué à faire le job nous-même. Une sorte de placement sur l’avenir en fait.

2 thoughts on “Nouvelle collègue”

  1. Pour savoir si ça te dérange pas d’y répondre.

    Un travail comme le tiens, combien est-ce que c’est payé et est-ce qu’il y a des offres pour des étrangers dans ce domaine ?

  2. Je donne l’URL de mon blog à beaucoup de gens, donc ça me dérange un peu.

    Il n’y a pas un salaire unique. Il dépend du type de compagnie, de son secteur d’activités, de l’âge, et de l’expérience/du baratin qu’on a pu donner à l’entretien. Ça doit aller entre 3M et 30M de Yen. A 3M on est pauvre, à 30M on est riche, donc la fourchette est large.

    Oui il y a des offres bien sûr. Il vaut mieux parler bien japonais par contre, sinon le nombre d’offres est limité.

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